• I. Les nanomatériaux et nano-objets

    I. Les nanomatériaux et nano-objets

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    Les nanomatériaux qu’est-ce que c’est

    Depuis toujours, l’homme manipule les matériaux qui constituent le monde qui l’entoure. De la découverte du feu à la deuxième révolution industrielle, l’homme ne cesse d’innover pour changer et améliorer son mode de vie. Le XXIème siècle est enclin à devenir un véritable tournant dans l’histoire de la science et de la technologie. En effet, l’homme est maintenant capable de manipuler des nanoparticules, éléments d’une taille infime qui sont la base d’une réelle avancée scientifique.

    Mais au fait, que sont les nanomatériaux  et comment les définir ?

    Le préfixe nano provient du grec et a pour signification nain. Il désigne essentiellement les éléments de très petite taille. Par exemple, un nanomètre correspond à 10-9 mètres soit un millionième de millimètre ! L'objectif des nanotechnologies consiste à produire des objets ou matériaux inférieurs à 100 nanomètres. Ces nanomatériaux sont composés de nanoparticules qui, contrairement aux particules très fines d'origine naturelle ou provenant d'une combustion, sont produites intentionnellement. Les nanomatériaux peuvent être des métaux, céramiques, carbones, polymères ou encore des silicates qui présentent l'intérêt d'avoir des caractéristiques spécifiques par rapport aux mêmes matériaux à l'échelle macroscopique. En effet, la fabrication de nanomatériaux, ce n’est pas seulement réduire à une taille moléculaire, c’est aussi changer les propriétés physiques de l’objet en question. Ainsi, un matériau composé uniquement d’atomes d’or (Au)  et de taille proche de 20 nanomètres devient de couleur rouge brique, propriété inexistante à l’échelle humaine.

    Ce changement de taille rend donc les lois Newtoniennes inapplicables aux nanoparticules. Il faut faire appel à une nouvelle manière d’aborder le monde nanométrique : la physique quantique. Elle prédit par exemple des comportements inhabituels et difficiles à accepter par notre intuition immédiate, tel l'effet tunnel, ou le fait qu'il soit impossible de déterminer simultanément la vitesse et la position d'un électron. On ne peut pas connaître sa position exacte, mais seulement son emplacement probable.

    Il existe deux techniques de création couramment utilisées dans la fabrication des nanomatériaux : le bottom-up et le top-down. Le bottom-up consiste à ajouter pièce par pièce des nanoparticules sur un support d’origine pour former un objet ayant une structure définie par avance. La technologie bottom-up peut être apparentée a la création d’une maison : on ajoute les briques les unes après les autres en partant du sol. Le top-down est en quelque sorte l’opposé du bottom-up. Cette méthode consiste à partir d’un bloc de nanoparticules (ou d’atomes) et à les enlever les unes après les autres. Le déplacement des nanoparticules se fait grâce a un microscope à effet tunnel. Cet outil est une véritable "pince à atomes". Le microscope à effet tunnel comporte une pointe métallique extrêmement fine par laquelle passe un faible courant électrique. La pointe est maintenue à une distance de quelques nanomètres du support et de déplace progressivement atome par atome. Cette dernière capte les électrons gravitant autour du noyau de l’atome étudié. L’intensité du courant électrique mesuré par la pointe dépend de la présence d’un mais aussi de sa nature.


    Pour ce faire, la pointe est approchée de l’élément à détacher puis un courant capable d’arracher un atome à son support est envoyé. L’atome une fois transporté est déposé sur un nouveau support et une tension opposée est appliquée pour lui faire quitter la pointe et le forcer à s’accrocher à la base.

    Image STM représentant des atomes de xénon placés un à un pour écrire le sigle IBM

    Fig. 1 : Image STM représentant des atomes de xénon placés un à un pour écrire le sigle IBM.

    Agglomération de nanoparticules réduites à la forme de poudre

    Fig. 2 : Agglomération de nanoparticules réduites à la forme de poudre.
    Contrairement aux idées reçues, il est difficile de trouver une nanoparticule seule dans un milieu. Les nanomatériaux sont manipulés sous forme de poudre ou de solutions rendant leur différenciation
    plus facile.


    2) Le nanotube de carbone : Une structure particulière et des propriétés physiques hors du commun

    Parmi les nanomatériaux existants, le nanotube de carbone est l’un des plus intéressants de part ses propriétés physiques mais aussi sa structure particulière.

    La découverte du premier nanotube de carbone reste difficile à dater. En effet Lors d'une simple combustion de carbone (dans une cheminée par exemple), on peut observer sur les parois entourant le foyer de fins dépôts filandreux contenant quelques nanotubes de carbone dispersés de manière archaïque. La découverte de tubes creux nanométriques composés de feuillets de graphite semble être attribuée à Sumio Iijima en 1991. Cette découverte est cependant contestée car dès 1952, Radushkevich et Lukyanovich ont publié des images claires de tubes de carbone d'environ 50 nanomètres de diamètre dans le Journal of Physical Chemistry. L'origine des nanotubes est encore à ce jour très incertaine.

    Pour comprendre la structure du nanotube de carbone, il faut partir de son précurseur : le graphène. C’est un cristal bidimensionnel qui s’accumule en couches pour former le graphite (contenu dans les mines de crayon). Le graphène est constitué uniquement d’atomes de carbones liés par les liaisons covalentes. Une couche de graphène peut être apparentée à un plan en deux dimensions.


    Bloc de graphite non traité avec lequel on peut écrire. Il est le principal composant des mines de crayons

    Fig. 3 : Bloc de graphite non traité avec lequel on peut écrire. Il est le principal composant des mines de crayons.

    Vue atomique d'une feuille de graphène. Le graphite est en empilement de couches successives

    Fig. 4 : Vue atomique d'une feuille de graphène. Le graphite est en empilement de couches successives.

     

    Il existe deux types de nanotubes de carbone :


    • Le nanotube monofeuillet est constitué d’une seule feuille de graphène enroulée et fermée à ses extrémités, formant ainsi un cylindre.


    • Le nanotube multifeuillet qui peut être soit un assemblage de plusieurs nanotubes monofeuillets les uns dans les autres (on parle alors de type poupée russe) soit un enroulement d’un seul feuillet sous forme de spirale (type parchemin)

    Représentation d'un nanotube multifeuillet de type poupée russe

    Fig. 5 : Représentation d'un nanotube multifeuillet de type poupée russe.

    Représentation d'un nanotube multifeuillet de type parchemin


    Fig. 6 : Représentation d'un nanotube multifeuillet de type parchemin.

     


    L’enroulement d’un nanotube monofeuillet  peut être déterminé mathématiquement :

    La feuille de graphène utilisée présente une structure de type nid-d'abeille, dont on peut donner 2 vecteurs directeurs, a1 et a2. On définit ensuite le vecteur de chiralité, Ch, axe selon lequel le graphène s'enroule pour former le nanotube. Ce vecteur peut donc être décomposé en deux composantes, selon les vecteurs a1 et a2. Soient m et n, les scalaires tels que Ch = n a1 + m a2.

    Selon la valeur de ces 2 scalaires, 3 types d'enroulement, donc trois types de nanotubes peuvent être décrits :

    Schématisation de l'enroulement d'une structure de type nid d'abeille du graphène

    Fig. 7 : Schématisation de l'enroulement d'une structure de type nid d'abeille du graphène.




    • Si m=0, on dira que le nanotube a une structure de type zig-zag


    • Si m=n, on dira que le nanotube a une structure de type chaise


    • Dans tous les autres cas, on dira que le nanotube est chiral

     


    Ces différences d'hélicité donneront aux nanotubes de carbone des propriétés différentes.

    Ainsi, un nanotube de type chaise sera toujours conducteur tandis qu’un nanotube chiral ou zig-zag pourra être semi-conducteur ou conducteur en fonction de sa structure. Pour illustrer la différentiation d’un nanotube, nous avons choisi d’utiliser le logiciel Nanotube Modeler disponible à cette adresse : http://www.jcrystal.com/products/wincnt/

    Ce logiciel permet de visualiser un nanotube en fonction des propriétés d’enroulement de la feuille de graphène utilisée. Nous avons pu réaliser une maquette d’un nanotube de carbone lors d’une séance de TPE et ainsi nous apercevoir que les angles formés pas les liaisons entre les atomes sont légèrement différents de ceux formés par une simple molécule carbonée.

    Différents types d'enroulement d'un nanotube réalisé en TPE

    Fig. 8 : Différents types d'enroulement d'un nanotube réalisé en TPE.


    La réalisation d’un nanotube de carbone demande des techniques à la pointe de la technologie.

    Il existe plusieurs manières de synthèse. La méthode la plus utilisée pour obtenir des nanotubes à un seul feuillet est une méthode à haute température.

    Sous des conditions de température et de pression élevées, on fait évaporer du carbone (du graphite, le plus souvent) dans une atmosphère de gaz rare, en général de l'hélium ou de l'argon.


    L’ablation par arc électrique consiste à faire passer un courant élevé entre deux électrodes de graphite. Une électrode, l'anode, se consume pour former un plasma dont la température peut atteindre 6 000 °C. Ce plasma se condense sur l'autre électrode,

    Schématisation de la technique d'ablation par arc électrique

    Fig. 9 : Schématisation de la technique d'ablation par arc électrique.

    la cathode, en un dépôt caoutchouteux et filamenteux contenant les nanotubes. C'est un procédé très peu coûteux et assez fiable.

    L’ablation par laser, consiste à découper une cible de graphite avec un rayonnement laser de forte énergie. Le graphite est vaporisé soit expulsé en petits fragments de quelques atomes. C'est un procédé coûteux mais plus facile de contrôle.

    Ce procédé permet de faire baisser la température de la réaction à 1 200 °C.

    La synthèse par énergie solaire se réalise en concentrant l'énergie d’un four solaire sur du graphite pour atteindre sa température de vaporisation. Ce procédé permet de synthétiser en moyenne de 0.1 g à 1 g de nanotube par expérience.

    Les nanotubes de carbone ont suscité un grand intérêt dans le domaine de la recherche de part leurs propriétés hors du commun :


    • Ils présentent une très grande rigidité, comparable à celle de l’acier, tout en étant extrêmement légers. La résistance des nanotubes de carbone est environ 100 fois supérieure à l'acier pour un poids 6 fois moindre (à section équivalente).
    • La dureté de certains nanotubes de carbone est parfois supérieure à celle du diamant ! Il est donc possible d’en faire des outils extrêmement résistants.
    • Les nanotubes ont une conductivité supérieure à celle du cuivre et 70 fois supérieure à celle du silicium. A très basse température (proche de 0°K) le nanotube de carbone devient supraconducteur, c'est-à-dire qu’il laisse passer le courant électrique sans perte sur la distance.

    • Le nanotube de carbone possède une très grande flexibilité : il peut se déformer de façon bien plus importante que les autres matériaux tout en conservant ses propriétés physiques et électriques.
    Illustration de la flexibilité d'un nanotube de carbone

    Fig. 10 : Illustration de la flexibilité d'un nanotube de carbone.

    • Les nanotubes sont des structures creuses, que l’on peut remplir avec d’autres composés chimiques, ce qui en fait des récipients clos appelés nanofils.
    • Des chercheurs d’IBM ont indiqué avoir réussi à faire émettre de la lumière infrarouge par des nanotubes de carbone. Les nanotubes peuvent servir à capter et restituer de la lumière (photoluminescence)
    • Les nanotubes peuvent présenter une longueur extrêmement grande devant leur diamètre. Lorsqu’ils sont soumis à un champ électrique, ils présentent un très fort effet de pointe, c'est-à-dire qu’avec des tensions relativement faibles, on peut générer à leurs extrémités des champs électriques énormes, capables d’arracher les électrons de la matière et de les émettre vers l’extérieur.

    On peut ainsi grâce aux nanotubes de carbone réduire le poids, augmenter la durée de vie, augmenter la résistance mécanique, empêcher la corrosion, augmenter la résistance thermique d’un matériau, et également stocker et restituer des éléments à l’intérieur d’un nanotube. On peut enfin se servir des propriétés électriques des nanotubes pour créer des micros appareils électroniques, (transistors) et produire de la lumière (écrans plats).

    3) Nanoparticule ferromagnétique

    Une autre nanoparticule dont nous avons choisi de parler est une nanoparticule ferromagnétique. Elle fait partie du projet Nano-Oncologie qui vise à traiter et éliminer les cancers résistants aux chimiothérapies.

    Schématisation d'une nanoparticule ferromagnétique

    Fig. 11 : Schématisation d'une nanoparticule ferromagnétique.

    Cette nanoparticule est caractérisée par sa composition : un noyau de fer non oxydé et de phosphure d’indium (InP) d’une taille proche 20 nanomètres, une enveloppe et un ou plusieurs peptides (assemblage de quelques acides aminés) liés a l’enveloppe.

    Le fer voit ses propriétés physiques changées en fonction du diamètre des particules utilisées. En effet,  le document ci-dessous nous montre que réduites à une taille de 6,7 nm, les particules de fer sont dispersées dans la solution tandis qu’à une taille de 8,7 nm, les particules se rassemblent attirées les unes vers les autres. Le fer possède donc des propriétés magnétiques qui varient en fonction de sa taille.

    Nanoparticules de fer de diamètre moyen différent

    Fig. 12 : Nanoparticules de fer de diamètre moyen différent.

    Evolution des propriétés magnétiques d'une particule de fer en fonction de sa taille

    Fig. 13 : Evolution des propriétés magnétiques d'une particule de fer en fonction de sa taille.

    A une taille légèrement supérieure (de 10 à 20 nm) le fer devient paramagnétique, c'est-à-dire qu’il est capable de s’aimanter et de se déplacer sous l’effet d’un champ magnétique extérieur.

    Son utilisation dans une nanoparticule permet donc de la localiser et d’interagir avec son milieu.

    Schématisation de particules polarisées paramagnétiques l'absence de champ magnétique (à gauche) et soumises à un champ magnétique (à droite)


    Fig. 14 : Schématisation de particules polarisées paramagnétiques en l'absence de champ magnétique (à gauche) et soumises à un champ magnétique (à droite).

    Le noyau de phosphure d’indium, quant à lui, peut émettre des spectres de longueurs d’ondes différentes en fonction de son diamètre et de son état de surface. Son utilisation permet donc de localiser la nanoparticule grâce à de simples spectromètres.

    La membrane composée essentiellement de silice et de dendrimères (polymères complexes) permet à la nanoparticule de résister au milieu biologique dans lequel elle est introduite.

    Enfin, les peptides entourant la particule lui permettent de se fixer sur une molécule ciblée.

    Le choix du peptide va ainsi permettre de sélectionner, par exemple, une protéine spécifique à une cellule, capable de se lier au capteur utilisé. Cette nanoparticule peut donc localiser une molécule ciblée par avance et interagir avec elle sous l’effet de champs magnétiques grâce à sa structure et sa composition originale.

    Le challenge dans la réalisation de cette particule consiste à fabriquer des composants à trois couches. Le fer est introduit dans un milieu inerte dans lequel on vaporise l’enveloppe de polymères qui va à son tour se fixer et enrober le noyau. Il reste ensuite à greffer les détecteurs préalablement sélectionnés sur la coque. La fabrication reste pour l’instant relativement complexe et difficile à développer à grande échelle. Le coût de production est lui aussi élevé.

    Nous avons vu que les nanomatériaux peuvent se présenter sous différentes formes et avoir des actions bien précises. Mais que peuvent-ils apporter dans le domaine de la médecine ?

    Fig. 5 : Représentation  d'un nanotube multifeuillet de type poupée russe.